“Nous
voulons utiliser l’argent de la C.E.E. pour poursuivre le processus
révolutionnaire”, déclare M. Martins Pereira, ancien secrétaire d’État à
l’industrie.
Le Monde, 14 août 1975
Le quotidien Libération
publie, dans son numéro du 13 août, une longue interview de M. Joao Martins
Pereira, ancien secrétaire d’Etat portugais à l’industrie, proche du mouvement
de la gauche socialiste (MES), qui avait démissionné du quatrième gouvernement
provisoire juillet dernier.
“On ne cesse de parler d’indépendance
nationale, dans ce pays, sans avoir jamais joué cette carte, déclare notamment
M. Martins Pereira. Or une partie non négligeable de la petite bourgeoisie
pourrait être mobilisée autour d’un programme effectif d’indépendance nationale.
Le Marché commun se prépare, nous dit-on, à accueillir le Portugal, à lui prêter
de l’argent. A condition que nous ayons une “démocratie pluraliste”... Alors,
on s’évertue à tout prix à montrer que, dans les documents du M.F.A., il est
effectivement question de démocratie pluraliste. C’est exactement le contraire
de ce qu’il faut faire. Personne ne prête des milliards par générosité, mais parce
qu’il en attend un résultat politique. Il s’agit dès lors de parler le langage
que nos interlocuteurs de la C.E.E. comprennent: c’est-à-dire celui des
affaires. Leur dire clairement que nous avons deux jeux différents. Nous
voulons utiliser l’argent de la C.E.E. pour faire le contraire de ce qu’elle
souhaite: poursuivre le processus révolutionnaire. Si on nous prête de
l’argent, c’est en espérant avoir une influence sur ce qui se passe ici. Si on
refuse ce prêt, il faut en mesurer les conséquences: le Portugal peut s’en
sortir en tombant entièrement sous la coupe de Moscou. C’est donc à la C.E.E.
de décider. Mais il n’y a pas de conditions à poser. C’est cela l’indépendance
nationale. Or ce terme a toujours été utilisé comme un slogan. Peut-être parce
que, au Portugal, l’impérialisme n’a pas la même pesanteur qu’en Amérique latine, par exemple, où la
haine de l’Américain est partout présente. Ici, l’impérialisme est quelque
chose de très abstrait: il faut le démasquer quotidiennement dans le concret”.